CHADEBECH Marcel
par
MARCEL CHADEBECH EX COMMANDANT CARRON DES MAQUIS DE LA VALLEE D’AZERGUES
Marcel Chadebech, né le 24 juin 1919 à Lyon 5e (Rhône) d’une mère de souche forézienne et d’un père de souche corrézienne, a passé son enfance dans un petit village de la rive droite du Rhône à 15 km de Lyon, Vernaison. Très jeune il fut marqué par le décès en 1926 de son petit frère âgé alors de 5ans et l’image de ce père qui crachait le sang suite à sa grave blessure durant la guerre de 1914-1918. Les récits de cette guerre qu’évoquaient les compagnons de son père ayant vécu cette boucherie firent naître chez Marcel Chadebech l’horreur de la guerre et contribuèrent à déterminer ses idées, ses choix et ses engagements.
En 1934, alors qu’il était au collège des Minimes à Saint-Just, il eut avec ses camarades de classe à faire aux Croix-de-Feu (organisation assimilée au fascisme français) qui voulaient mettre au pas « la racaille » communiste de cette citadelle rouge.
En 1935, il est embauché chez Berliet à Vénissieux (Rhône) comme manœuvre, en avril 1936 il participe à sa première grève, celle-ci échoua mais en juin 1936 les grandes grèves éclataient et Berliet cette fois céda.
En 1936, il est entré au centre de tri postal Lyon-gare où il rejoindra rapidement une équipe importante et efficace de militants syndicaux et politiques dont Antoine Bourgey. Le 1er janvier 1937, à l’âge de 17 ans il adhère à la CGT puis au Parti Communiste Français, ces deux engagements il les a poursuivi jusqu’à son décès.
Mobilisé en novembre 1939, puis démobilisé en janvier 1941, Marcel Chadebech retrouve son emploi de postier au centre de tri de Lyon-gare. Il a alors 21 ans et reprend de suite contact avec ses camarades du P.C.F.
Dès mars 1941 il devient responsable technique des Jeunesses Communistes de Lyon, chargé d’assurer le tirage à la ronéo des tracts et journaux clandestins et la récupération d’armes et d’explosifs, puis responsable militaire chargé de créer les FTP parmi les jeunesses communistes.
Le 18 octobre 1942 plastiquage de transformateur de l’usine SIGMA.
Le 28 novembre 1942, il est l’un des deux patriotes qui réalisent la première action armée contre des Allemands en zone sud : un soldat est grièvement blessé d’un coup de pistolet rue Victor Hugo à Lyon. De multiples activités de résistance sont menées par le groupe de jeunesses communistes que dirige Marcel Chadebech (pseudonyme Léon) :
- 12 décembre 1942 sac postal contenant de grosses sommes d’argent mises au service de la Résistance ;
- 15 janvier 1943 sabotage de la ligne Lyon-Paris, faute d’explosifs l’attaque des voies de chemin de fers continue ensuite par déboulonnage ;
- dans la nuit du 22 au 23 janvier 1943 attaque de la ligne Lyon-Paris au lieu dit « le Pont du Diable » puis cette même nuit attaque de la ligne Lyon-Bourg à la hauteur des Echets ;
- 9 février 1943 incendie du parc à fourrage de la caserne de la Part-Dieu.
Le 18 février 1943, ce groupe est décimé par des arrestations. Marcel Chadebech a rendez vous avec Paul Gachet, Desthieux et ses amis. Ce jour là, trahis par un mouchard français, Gachet, Desthieux, Brulh, Bertin-Mourot, Valot et Perret sont arrêtés par la police française du régime de Vichy dans le local où étaient entreposées des armes. Marcel Chadebech (dit Léon) trouve bizarre de ne pas voir ses amis aux deux rendez-vous donnés. Il se rend vers le local, mais n’étant pas armé il n’entre pas, ce qui le sauva de la souricière qui avait été tendue par la police française. Le 6 avril 1943 la justice française, cédant à la pression des autorités d’occupation, prend la décision de livrer Gachet et Desthieux aux Allemands. Ils seront torturés puis fusillés le 26 mai 1943 à Dijon. Les 4 autres seront déportés et connaitront les camps de concentration. Léon a pu y échapper mais, activement recherché, il doit abandonner son travail de nuit à Lyon-gare et passer à la clandestinité, il ira « se mettre au vert » en Savoie (relaté dans son livre « 80 ans d’une vie pleine et agitée »).
Le 20 octobre 1943, il rejoint le maquis FTP de Chamelet (créé par Roger Chavanet (pseudo Guérin. Michel) Au camp Desthieux, Marcel Chadebech (sous le pseudo de ( Carron Jules) devient l’adjoint du chef militaire Roger Chavanet. Jusqu’à la Libération ce maquis aura à son actif de très nombreuses actions leur objectif étant de neutraliser les voies ferrées Lyon - Paray le Monial et Lyon - Roanne qui sont d’importances stratégiques pour l’occupant car elles permettent aux Allemands de recevoir marchandises, matériel et armement. Les sabotages s’y renouvellent systématiquement peu de temps après leur réparation. Les Allemands sont excédés. Secondés par des gardes mobiles français les Allemands mènent d’incessantes attaques contre ces maquisards que la presse lyonnaise de cette époque traite de terroristes. Ce maquis de la vallée d’Azergues qui connut plusieurs implantations après Chamelet rayonne en réalité sur toute la partie du département situé au nord du Rhône et à l’ouest de Lyon ; il libérera ce secteur en presque totalité dès juin 1944.
Le 19 mars 1944, le froid, la neige et les très mauvaises conditions météorologiques ont retardé le déplacement du camp DESTHIEUX vers un autre refuge. Roger Chavanet et Farjas étant à Lyon ce jour là, c’est Marcel Chadebech qui est responsable du camp Desthieux au lieu-dit le Magat à Montchal (42) quand plusieurs centaines de gendarmes, GMR et gardes mobiles puissamment armés, suite à une dénonciation d’un chef de brigade de gendarmerie, attaquent le camp stationné dans trois masures proches les unes des autres. Lors de ce terrible combat, 10 maquisards y laissent leur vie. A la suite de cette tragique journée, les 26 maquisards restants se regroupent dans des conditions très difficiles vers le lieu prévu, se réorganisent et poursuivent leurs missions. Cette dramatique journée restera une meurtrissure profonde pour Marcel Chadebech jusqu’à la fin de sa vie.
Le 22 avril 1944, le commandant Guérin (Roger Chavanet) est gravement blessé au cours d’un combat, c’est Marcel Chadebech qui lui succède sous le nom de commandant Carron. De plus en plus étroitement liés à la population, l’effectif grandissant, le camp DESTHIEUX devient la 1re compagnie de partisans et crée également le bataillon 14 juillet. Compte tenu de l’importance prise par les unités, Marcel Chadebech devient le chef des formations, Georges HOERDT étant le responsable des opérations militaires.
Début mai 1944, l’Etat major zone-Sud des FTP a connu de nombreuses arrestations. Une refonte de l’appareil clandestin est nécessaire. Le 6 juin 1944 Marcel Chadebech remplacera le commandant Kislakof (dit Guiraud) nommé à d’autres fonctions, et deviendra chef du 1er sous secteur FTP : en gros la partie du département comprise entre la rive droite de la Saône (de la Saône et Loire à Collonges au Mont d’Or dans le Rhône) et la route nationale de Lyon à Tarare. Il procède à la création dans les principaux villages de la vallée d’un groupe de résistants sédentaires : les milices patriotiques. Il s’agit là de camarades qui vivent et travaillent sur place, prennent part, lorsque cela est nécessaire, à des opérations de caractère militaire et sont des agents de renseignements précieux tenant le maquis informé de tout ce qui se passe dans la vallée.
Le 28 mai 1944, il doit veiller et aider à l’implantation d’un nouveau maquis où se regrouperont les rescapés de l’état major FTP de la Zone Sud (dont Raymond Perinetti) démantelé après une dénonciation. Ces camarades ont perdu là d’éminents dirigeants comme Georges LYVET, Charles VAUBAN, Francisque JOMARD, Marcel CLOUET qui ont été arrêtés, torturés puis massacrés. C’est avec l’aide de son état major que Marcel Chadebech va contribuer à la création d’une nouvelle compagnie pour ces rescapés. Cette compagnie se développe rapidement et devient le bataillon 89.
Dès les premiers jours de juin 1944 la vallée d’Azergues est libre suite aux différentes actions des maquis de l’Azergues qui se développent. Vichy ne contrôlant plus la vallée depuis un moment, le problème du ravitaillement se pose sous un nouvel angle, car la viande et la farine n’arrivent plus dans la vallée de l’Azergues. Les F.T.P et le Front National de l’époque convoquent les représentants des autorités locales, des paysans, des commerçants des 32 communes intéressées pour assister à un congrès à Chamelet. C’est à la suite de ce congrès organisé en partie et animé par Marcel Chadebech, que le prix des produits alimentaires a été fixé et appliqué jusqu’à la Libération et pour certains même au-delà.
Un fâcheux accident de moto le 13 août 1944 l’oblige à rester alité, il ne peut retenir des larmes de rage et de désespoir de ne pouvoir participer aux derniers combats autour de Lyon puis à la libération de Lyon. Les bataillons F.T.P. 14 Juillet et 89 sous les ordres du colonel Lepetit (grièvement blessé lors du mitraillage de sa voiture par l’aviation américaine et remplacé par R. Perinetti dit « colonel Brun ») participent à la libération de Lyon. Le 6 septembre 1944, cette glorieuse formation devient le 1er régiment F.F.I. du Rhône et s’installe à la caserne de la Part-Dieu où Marcel Chadebech une fois guéri les rejoindra et deviendra le commandant Carron, Major du Régiment.
Marcel Chadebech relate toute cette période dans son ouvrage « Ce que j’ai connu de la Résistance ».
Démobilisé, il est affecté à la commission militaire du Front National (le vrai) puis succède à Louis Pradel à la Présidence de la Commission Militaire du Comité de Libération (C.D.L.) du 19/01/45 au 8/04/1946.
Il persiste dans l’esprit de la résistance et on le retrouve dans le tourbillon d’actions qui suivent la seconde guerre mondiale. Les grands mouvements revendicatifs de 1946, 1947, 1953, 1964, 1968 et les actions contre la guerre d’Indochine, pour la paix au Vietnam, contre la CED (tentative de mettre l’armée française sous les ordres de l’allemand nazi SPEIDEL), contre la guerre d’Algérie, contre les actions assassines de l’OAS (Organisation de l’Armée Secrète).
Marcel Chadebech est successivement Secrétaire Départemental du Mouvement de la Paix et membre du conseil National du même organisme. Il siège au Comite Fédéral du P.C.F. de 1956 à 1966. De 1963 à 1968 il fait partie du bureau départemental de l’A.N.A.C.R. (Association Nationale des Anciens Combattants de la Résistance).
En 1964, il contribue à la création de l’Amicale des Anciens des Maquis de l’Azergues permettant ainsi de maintenir des liens d’amitié avec la population de la vallée et des monts de Tarare, d’honorer les disparus victimes de la barbarie nazie de cette région et de prendre part avec d’autres à la défense des idéaux de la Résistance.
En 1969, suite à des problèmes de santé, il part s’installer, avec Fifi son épouse, à Vergèze dans le Gard où il continue ses actions de militant dans cette région. Il est élu conseiller municipal en 1971.
Fin 1995, après le décès de Fifi, il revient dans la région lyonnaise. Le hasard de la vie lui fait retrouver Odile Monin (elle aussi résistante sous le pseudo de Régine et appelée « la benjamine de Villeurbanne ») qui devient son épouse en 2000. Lui qui n’avait jamais eu d’enfant se retrouve à la tête d’une grande famille et assume avec beaucoup d’amour le rôle de père, grand-père et arrière grand-père. Toute cette tribu le lui rend bien. Cet homme de caractère, de convictions, meneur d’homme, a toujours refusé l’attribution de médaille mais, sous l’insistance de sa nouvelle famille et de ses camarades qui estiment que c’est une manière de redonner ses vraies valeurs à la Légion d’Honneur, Marcel accepte d’être promu Chevalier de la Légion d’Honneur à l’âge de 82 ans.
Marcel et Odile Chadebech continuent ensemble leur vie de militant pour la Paix, la Liberté. Ils se rendent dans des collèges et lycées pour expliquer aux jeunes générations leurs expériences, leurs vécus et surtout leurs valeurs. Ils participent à diverses conférences sur la Résistance. Ils assistent à chaque congrès national qu’organise l’A.N.A.C.R. (Association Nationale des Anciens Combattants de la Résistance). Tous les deux œuvrent pour le maintien de l’Amicale des Anciens des Maquis de l’Azergues et pendant plusieurs années Marcel occupe la fonction de trésorier de cette Amicale.
Encouragé et aidé par Odile, Marcel Chadebech est l’auteur de trois ouvrages :
- Ce que j’ai connu de la Résistance (voir la bibliographie du site)
- Civisme et Mémoire
- 80 ans d’une vie pleine et agitée
Marcel Chadebech nous a quitté le 15 décembre 2007 et selon sa volonté ses cendres ont été dispersées le 18 mai 2008 autour de la stèle érigée au Magat sur la commune de Montchal (42) sur les lieux mêmes des tragiques combats du 19 mars 1944, où demeure la mémoire de ses camarades des maquis de la vallée d’Azergues.
Commentaires forum ferme