PERINETTI Raymond
par
Raymond Perinetti, médaillé de la Résistance avec rosette, Chevalier de la Légion d’honneur
Rémo Perinetti naît le 22 octobre 1911 dans une famille d’ouvriers. Son père, militant « un rouge » comme le qualifiait les gens de son village Caravino dans le Val d’Aoste (Italie) est blessé en 1917 dans l’armée italienne et succomba en 1922 des suites de ses blessures. Le décès de son père va entraîner une existence encore plus précaire. En octobre 1924, son frère âgé de 18 ans décède d’un accident du travail à Grenoble. Avec sa mère et sa soeur il quitte pour toujours le village de Caravino où il a vécu ses premières injustices pour s’installer à Grenoble. Il utilise le pseudonyme de Raymond, dont il fera son prénom, précaution nécessaire jusqu’à sa naturalisation le 6 avril 1938.
Aide maçon puis apprenti peintre, à partir de 1926, Raymond Perinetti suit les cours du soir de l’école d’art industriel.
En 1927 il adhère aux Jeunesses communistes et à la C.G.T.U. (Confédération Nationale du Travail Unitaire).
De 1930 à 1938 il occupe d’importantes responsabilités sur un plan politique et syndical dans sa région. Ces deux engagements seront le ferment naturel de son engagement dans la Résistance.
En août 1939 le pacte germano-soviétique, entraîne une répression presque immédiate des militants, dès septembre certains sont emprisonnés, d’autres mobilisés. Ceux qui restent sont plus ou moins livrés à eux-mêmes mais cherchent à agir. L’une de leurs premières préoccupations est de sortir de la Bourse du travail et des sièges du PC, partout ou c’était possible, les machines à écrire, les ronéos, les stencils … matériel qui servira pendant des mois à tirer, dans la clandestinité, journaux et tracts. La dissolution du PCF par le gouvernement le 26 septembre 1939 déclenche une nouvelle répression.
Avec Paul Billat, puis André Dufour il s’attelle à la reconstruction du PC dans la clandestinité.
Le 9 novembre 1939, dans un café où se retrouvaient les dirigeants communistes de la CGT, il est arrêté avec les frères Dufour, Duchêne trésorier fédéral, Chanéac responsable du textile, Louise Beau, Robert Buisson. Inculpés de « tentative de reconstitution d’un parti adhérant à la »IIIe internationale", internés à la vieille prison St Joseph à Grenoble ils connaîtront l’inactivité, le froid, la promiscuité avec des droits communs ainsi qu’avec des habitants moins pittoresques, les puces et les punaises. Les interrogatoires ne menant à rien ils sont remis à la justice militaire et se retrouvent à la prison Saint Paul à Lyon, plus ou moins oubliés. Au moment de la débâcle, ils sont alors transférés à Aix-en-Provence à la caserne Forbin puis de nouveau rapatriés à Lyon à la prison de Montluc. Finalement, le tribunal militaire de Lyon renoncera à l’accusation et le 27 août 1940 ils sont libérés.
Raymond Perinetti, renouant des contacts avec ses camarades, reprend son travail clandestin.
30 novembre 1940, suite à des publications du TA (Travailleur Alpin) et des tracts, la police rafle à Grenoble, Vienne, Bourgoin 48 militants communistes et syndicaux dont Raymond Perinetti et les envoie moisir à Fort Barraux.
Octobre 1941, avec plusieurs militants, il est transféré au camp de Saint Sulpice la Pointe (Tarn). Il est désigné comme responsable du parti dans sa baraque. La vie y est supportable, des cours organisés par des enseignants internés au camp vont lui permettre de perfectionner son français.
Début 1942 un décret l’ayant déchu de la nationalité française, il est transféré au camp du Vernet (Ariège), avec les étrangers, dont de nombreux anciens combattants des Brigades Internationales. Classé dangereux, il est soumis à une surveillance très stricte, n’étant jamais envoyé au travail en dehors des limites du camp.
Noël 42 ! Le pire qu’il ait connu dira t-il plus tard. Cette nuit là deux anciens des Brigades n’en pouvant plus se sont pendus. Le lendemain, à son réveil il retrouve son voisin du lit d’en bas, ancien capitaine de l’armée républicaine espagnole avec qui il avait l’habitude de discuter dans le noir, inerte, glacé, mort dans la nuit sans un mot ! Et surtout, dans un des sous-camps du Vernet, l’arrivée de centaines de familles de juifs étrangers mais aussi français. Les détenus fabriquaient de petits jouets qu’ils donnaient aux enfants à travers les barbelés, un jour de février des camions avec des GMR vinrent chercher ces familles, femmes, vieux, enfants, comme ce bambin de 3 ans qu’un GMR enleva de son tas de sable pour le mettre dans le camion.
Il n’oubliera jamais cette image, songeant souvent après la guerre, quand le sort épouvantable des Juifs fut connu, à ce petit garçon et à sa terrible et tragique fin. Bien plus tard il écrira un déchirant et beau conte de Noël évoquant cette tragédie.
Dans ce camp, le moral des prisonniers tombait au plus bas, les conditions de vie dégradées, la nourriture très mauvaise, (de 92 Kilos il passe à 62), on venait chercher des gens et des bruits alarmants parlaient de leur déportation en Allemagne, des consignes circulant entre prisonniers disaient de partir.
12 février 1943, Raymond Perinetti réussit à s’évader en solitaire. Une permission de 3 jours pour une supposée grave maladie de sa mère lui permet de venir à Grenoble accompagné d’un gardien pas très futé mais armé. Ne pouvant lui fausser compagnie à Grenoble par crainte de représailles contre sa famille, c’est à Toulouse qu’il déjouera son attention. Ne trouvant pas le contact qui devait l’aider, il revient dans la région grenobloise et se réfugie à Malleval en Vercors. Il y reste un mois et demi, le temps d’y prendre les premiers contacts, avec son vieux camarade Paul Billat et le jeune Lambert, qui aboutiront, après son départ, à la création du premier maquis FTP de l’Isère.
Avril 1943, il est affecté à Saint-Étienne au commandement militaire des F.T.P. de la Loire dont il fut l’un des principaux organisateurs. En juillet, il est nommé commandant inter-région, pour la Loire, le Rhône, la Haute-Loire et le Puy-de-Dôme.
9 novembre 1943, il dirige personnellement l’opération contre la prison Bellevue de Saint-Étienne, évasion de trente-deux détenus politiques, laissant hélas plusieurs camarades grenoblois, dont il ignorait la présence, et qui seront déportés après l’insurrection de la centrale d’Eysses où ils avaient été transférés.
Décembre 1943, il est appelé à l’Etat-Major des F.T.P. de la Zone Sud, et à partir de cette date, représente les F.T.P. au comité du Front national de l’époque.
Mai 1944, 20 des 23 membres de l’Etat-major furent arrêtés par la Gestapo à Lyon. Lui, est arrêté à Villeurbanne avec Lambert et Henri Favoriti puis relâché ayant pu donner le change sur son identité. Après quelques jours dans une planque à Villeurbanne, il est envoyé « au vert » dans le maquis de l’Azergues où Marcel Chadebech (pseudo commandant Carron) aidé de son Etat-major veille et aide les rescapés de l’Etat-major F.T.P de la Zone Sud à installer un camp à Chamelet. Ce camp se développe rapidement et devient par la suite le bataillon 89. Mais étant l’un des 3 rescapés de la rafle sorti indemne de l’école de santé où sévit la Gestapo Raymond Perinetti (pseudo Brun) est suspect auprès de ses camarades et placé sous une étroite surveillance. Le 15 août, le véritable traître démasqué, il est désigné, pour prendre le commandement du camp de Chamelet sous le pseudonyme « commandant Brun ». Dans les derniers jours d’août avant la libération de Lyon, il est appelé à remplacer André Tourné (pseudo colonel Lepetit) qui est blessé. Il pénètre à Lyon à la tête du 1er régiment FFI du Rhône en qualité de colonel. Le 6 septembre 1944, Raymond Perinetti (colonel Brun) et le 1er régiment F.F.I. du Rhône s’installent à la caserne de la Part-Dieu.
Raymond Perinetti est démobilisé en février 1946 et reprend ses activités de militant à Grenoble.
En 1948 il est élu conseiller municipal de Grenoble puis maire de Grenoble du 20 décembre 1948 au 23 janvier 1949.
En 1950 sollicité par Yves Farges il participe en Isère à la fondation du « Mouvement des Combattants de la Paix » qui deviendra le « Mouvement de la Paix », il est élu membre du Bureau national lors du 1er congrès.
Son passé de militant politique et syndicaliste l’empêche de décrocher un emploi, en 1951 il se met à son compte comme artisan peintre. Même si être patron et communiste paraissait antinomique à certains, il assume tranquillement ce choix et garde la droite ligne de ses convictions idéologiques. Il sait être critique et lucide mais jusqu’à la fin de sa vie, il restera un militant, fidèle à son parti, malgré les pires moments et les déceptions.
Au cours des années 70, il est secrétaire non permanent du conseil mondial du Mouvement de la Paix siégeant à Helsinki. En cette qualité, il participe à des délégations dans de nombreux pays, ces voyages lui apporteront de grandes satisfactions morales et de solides amitiés.
Dans ses combats, dans chaque organisation où il s’est engagé, il a apporté son énergie, sa faculté à convaincre, à faire avancer les choses.
L’ANACR (Association Nationale des Anciens Combattants de la Résistance) lui tient particulièrement à coeur, il en a été durant de nombreuses années un des Présidents départementaux. Il considère que les Résistants ont le devoir de témoigner auprès des jeunes pour expliquer la Résistance, ses actions, ses raisons, ses valeurs. Il retrouve aussi à l’ANACR, la solidarité, la fraternité forgées dans les luttes des années sombres de la guerre, de l’internement, du combat résistant.
Raymond Perinetti décède le 25 décembre 1990.
Ceux qui l’ont connu gardent le souvenir d’un homme de bon sens, de contact aisé, chaleureux, soucieux de l’autre, gai et bon vivant. Comme tous les êtres de qualité il cachait ses blessures, seule son épouse, qui partagea ses 60 ans de luttes connaissait ses fêlures. Il disait souvent que grâce à elle, il a suivi sans faiblir, sans dévier, sans tomber non plus, le chemin qu’il avait emprunté un jour de 1924, en quittant son enfance et son village natal.
Ce chemin il l’évoquait en concluant ses mémoires par :
« Si c’était à refaire, je referais le même chemin qui, pourtant, n’a pas été sans fautes. J’ai fait de mon mieux, j’ai appris à être tolérant à accepter le droit à la différence, le droit à l’erreur. En pensant à mes camarades morts, à tous ceux que j’ai connus, à ceux que je n’ai pas connus, en pensant aux sacrifices que des hommes et des femmes ont consentis, j’ai un dernier souhait à faire, c’est que le sacrifice de ces hommes et de ces femmes serve au moins à ce que l’humanité ne connaisse plus jamais la guerre ».
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