Rencontre avec Henri KARAYAN

dimanche 13 novembre 2011
par  webmestre

Hommage à Henri Karayan 8/11/2011

Ma rencontre avec Henri Karayan est très récente et beaucoup trop tardive mais elle restera d’une intensité bouleversante.

C’est au printemps dernier que j’ai reçu une lettre de Paul Prompt : Karayan est très fatigué, il veut te voir, il veut te parler.

Nous avons eu plusieurs échanges téléphoniques. Il était très faible mais il voulait transmettre. Il voulait me parler de mon père, il voulait parler de ses amis.

Il ne voulait pas qu’on aille le voir à l’hôpital, mais un jour il m’a appelée : je fais une exception, viens.

Et il m’a raconté Décines des années 30 où ses parents vendaient des légumes dans une voiture des quatre saisons, puis tenaient une épicerie rue Robespierre à l’angle de la rue Coli :

  • la solidarité : des gens formidables les Colombéro qui leur ont prêté une petite baraque où la famille a pu s’installer ;
  • l’école où il était avec mon oncle Emile qui fut guillotiné en 1943 ;
  • l’équipe de foot avec Pierrot Blanc le fils des boulangers originaires de la Vallée d’Aoste qui fut déporté à Dachau ;
  • ses camarades de la rue Chardonnet, limitrophe entre Vaulx-en-Velin et Décines ;
  • l’Université Populaire dont il suivait les cours avec mon père qui fut tué au maquis en 1944 ;
  • le lettré vietnamien qui logeait dans les baraquements des « chinois » comme on les appelait déportés en France pour des besoins de main-d’œuvre bon marché, qui l’a initié à la culture française ;
  • le groupe de copains : Gagneux, Bertrand, Fortunati, Bedikian, Rosa Moretti, Barbier, Karayan, Minigio, Le Goedec, Félice, Olga Blanc, Bombilage d’origine tchèque, André Brun et beaucoup d’autres, parmi lesquels 8 furent déportés à Dachau.

Ce groupe

  • Qui a commencé à distribuer des tracts,
  • puis a organisé des actions de sabotage de la logistique de l’occupant,
  • qui est devenu le groupe Guy Mocquet
  • qui a constitué les maquis de la vallée d’Azergues
  • qui s’est étoffé
  • et qui a subi de lourdes pertes.

Le parcours d’Henri a bifurqué pour cause d’arrestation : la prison St-Paul, le camp de Loriol, le camp du Vernet, la déportation en Allemagne, l’évasion et le groupe Manouchian.

Un parcours étonnant !

Et ce 3 novembre 2011, c’est à Décines, lors de la cérémonie annuelle d’hommage à tous les résistants sur la tombe des frères Bertrand, que j’ai appris le décès d’Henri Karayan

Mais il a gardé Décines et ses copains au cœur – il était membre de l’amicale des maquis de la vallée d’Azergues, et nous aussi, nous garderons dans nos coeurs une profonde amitié pour cet homme généreux.

Mireille Bertrand


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